Exposition Crazy Quilts, 2016

« Le fil de la désobéissance: les Crazy Quilts »
Une exposition de quilts de la collection de Charles-Edouard de Broin

Le patchwork n’a pas toujours été sage. Loin des classiques du répertoire, souvent géométriques, le crazy a fait un temps fureur chez les petites mains d’Amérique, renouvelant ainsi leur formidable audace.

Pour comprendre ces quilts hors du commun, il faut bien sûr rappeler l’indépendance dont l’Amérique est (t) issue.

L’indépendance, ou même la résistance américaine s’est souvent exprimée à travers le patchwork, notamment au 19ème, par le biais des Protest quilts, au service des plus grandes causes de l’histoire nationale, comme l’abolition de l’esclavage, la lutte contre l’alcoolisme ou le droit de vote des femmes. En 1876,, lors de l’Exposition universelle de Philadelphie célébrant le centenaire de l’Indépendance, les visiteurs s’extasient devant les arts décoratifs japonais, qui deviennent aussitôt une nouvelle source d’inspiration pour les arts populaires en général et pour le patchwork en particulier.

Avec ses motifs pleins de fantaisie, suggérés par les magazines féminins de l’époque, vite relayés par l’imagination infinie des quilteuses, le crazy libère du carcan du patron (pattern). Anti-modèle plus que modèle, il leur permet de créer un univers textile où se côtoient étoiles et toupies, éventails et marguerites, chapeaux et bottines, monogrammes et papillons, en toute licence poétique.

Le crazy est aussi l’occasion de faire valoir son patrimoine, les étoffes dont on dispose autant que son savoir-faire. Avec un effet de surenchère qui en fait le charme, le velours et la soie se mêlent au taffetas, au satin et au brocart dans des compositions surchargées de rubans et de galons, rebrodées dans une vaste gamme de points, du plus simple au plus sophistiqué, produisant quilt après quilt, une unique chatoyance. Ce genre au charme fou est vite adopté par des quilteuses moins fortunées mais tout aussi imaginatives, qui recyclent alors lainages ou cotonnades pour composer leurs tableaux textiles personnels, souvent à décrypter comme un rébus ou une devinette.

La mode ne durera que quelques décennies, tombant déjà en désuétude en 1910.

C’est une immense chance de pouvoir admirer quelques spécimens que Charles-Edouard de Broin, collectionneur fort sage mais aussi un peu fou, nous fait l’honneur de nous prêter, pour être exposés dans cette magnifique galerie de la Fondation des Etats-Unis qui leur sert d’écrin. Qu’il soit ici remercié de nous offrir ainsi un tel kaléidoscope de grâce et de beauté.

~Géraldine Chouard, Commissaire de l’exposition